Interview d'Aleksey Sarana

Aleksey Sarana, 19 ans, originaire de Moscou, GMI depuis 2017, est encore peu connu en Occident. Il est classé 2655, un excellent niveau qui lui a permis de disputer la ligue supérieure du championnat de Russie. Cela le situe dans l‘ombre des meilleurs de sa génération comme Vladislav Artemiev ou Daniil Doubov qui ont franchi la barre des 2700.

Georges Bertola : Quel est le résultat dont vous êtes le plus fier ?

Aleksey Sarana : En 2018, la première place de la ligue supérieure du championnat de Russie individuel à Yaroslav après un départage contre Grigory Oparin.

G.B. : Pour atteindre ce niveau, avez-vous beaucoup travaillé avec des entraîneurs ? Combien de parties « classiques » par an, combien d’heures par jour dédiées aux échecs ?

A.S. : J’ai beaucoup travaillé avec des entraîneurs. Maintenant, j’étudie les échecs seul, cinq à six heures par jour. Je participe à un tournoi par mois environ et de plus en plus souvent à l’étranger.

G.B. : Lorsqu’on se place aux environs du 50ème rang sur la liste russe, la Fédération de votre pays vous soutient-elle ? Avez-vous des sponsors, peut-on envisager une carrière de professionnel ?

A.S. : La Fédération russe m’aide beaucoup. Prochainement, je vais jouer un match contre la Chine avec l’équipe nationale. Je n’ai pas de sponsor, mais j’ai décidé de devenir un joueur professionnel. Dans les faits, je le suis déjà.

G.B. : Dans votre position, recevez-vous souvent des invitations pour jouer à l’étranger ?

A.S. : Je ne reçois pas encore autant d’invitations que je souhaiterais.

G.B. : Depuis l’arrivée du nouveau Président de la FIDE Dvorkovitch, les choses ont-elles changé en Russie ?

A.S. : C’est difficile à dire car il y a très peu de temps que le Président est élu. Cette année, beaucoup de tournois importants ont eu lieu en Russie, cela ne sera pas forcément le cas les années prochaines.

G.B. : Malgré un nombre important de très forts GMI, aucun Russe n’est pour l’instant qualifié pour les candidats, comment expliquez-vous cette situation ?

A.S. : Les qualifications via le « Grand Prix FIDE » ne sont pas encore terminées. Il est donc possible de voir un de nos Grands-Maîtres (Grischuk, Nepomniachtchi) obtenir sa place pour jouer le tournoi des candidats.

G.B. : Avez-vous un commentaire sur le retrait de la compétition de l’ex-champion du monde Kramnik ?

A.S. : Kramnik était au plus haut niveau lorsqu’il s’est arrêté. Il avait sans doute d’autres priorités.

G.B. : Aujourd’hui étudiez-vous encore les parties des GMI de l’époque soviétique, où seules comptent les préparations de variantes par ordinateur, ainsi que les parties de vos adversaires ?

A.S. : J’étudie encore, quelquefois, les parties de nos grands champions, mais l’essentiel de mon travail et de mes préparations, se font avec l’ordinateur.

G.B. : Pour quelqu’un né au XXIème siècle, si je vous dis Tchigorine, cela évoque-t-il quelque chose ?

A.S. : Notre premier grand joueur ! Tchigorine a failli battre le premier champion du monde Steinitz.

G.B. : Sur un plan social, être GMI en Russie, aujourd’hui, c’est toujours faire partie d’une élite, être reconnu et invité par les médias comme peut l’être un footballeur ou un joueur de hockey sur glace ?

A.S. : Actuellement, il y a tellement de GMI en Russie que le titre ne suffit pas pour avoir une telle notoriété.

G.B. : Que représente, pour vous, cette première expérience ?

A.S. : C’est mon premier tournoi en parties rapides à l’étranger, mais je joue comme un tournoi normal de parties « classiques ». Je suis venu avec l’intention de le gagner !